Nos hôpitaux malades à la Racine

Je m’attaque à Racine, monologue d’Hermione (V,1) dans Andromaque (ne cherchez pas les alexandrins, je ne suis qu’un pauvre malandrin) :

Où suis-je ? Qu’a t’on fait ? Que doit-on faire encore ?

Quelle nausée me saisit ? Quel douleur me dévore ?

Tremblante, et sans mes seins, je crie dans ma fureur.

Ah ! Ne puis-je savoir si je survis ou si je meurs ?

Le docteur ! D’Un coup d’oeil il m’a expédiée !

Sans pitié, ni tact, juste « faut irradier ».

L’ais-je vu se troubler et me plaindre un moment ?

En ais-je pu tirer un éclaircissement ?

Muet à mes craintes, distant, sourd à mes alarmes,

Même pas un mouchoir pour essuyer mes larmes !

Et il se plaint encore ! Pour ses gardes de nuit,

Pour le manque de moyens qui fait qu’il s’enfuit.

Je frémis, seule, à penser au crabe qui menace,

Et, prête à tout lâcher, je lui demande grâce.

Non, ne pas se résoudre à taire mon courroux :

Qu’on sévisse ! Aussi bien je ne tiens plus debout.

Le perfide triomphe et se rit des malades,

Pour qui, pour combien, les hôpitaux se bradent ?

Ils croient que l’ordonnance primant sur l’humain,

Nous paierons un bras pour assurer demain.

Ils jugent le bilan loin des hontes passées,

Et ils oublient qu’il faut être pour bien panser.

Supprimant des hospices, ils ne s’informent pas

Si l’on souhaite plus près sa vie ou son trépas.

Et impuissante, j’attends que vienne mon heure.

Non, non, espère un peu : laisses agir le docteur.

Que je vive, puisqu’il a bien dû le prévoir,

Puissent ses études faire son bon vouloir.

Son bon vouloir ? Hé quoi ! C’est donc lui qui m’abonne ?

Ma mort serait l’effet sournois de ses aumônes ?

Ce ponte, à qui je me suis fiée en toute foi,

Ecoutant avec plaisir conter ses exploits,

A qui j’ai donné le sort de ma destinée,

N’avais même pas noté mes coordonnées.

Je n’ai donc traversé tant d’amers, tant d’états,

Que pour vomir seule et pleurer mon non-trépas,

Me résigner, me battre ? Devant moi, le pire….