Le monologue politique
Monologue de l'homme politique au pouvoir
Ô rage ! ô désespoir ! ô promesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et me suis-je noirci dans les combats guerriers
Que pour voir en un sondage rire tant de lévriers ?
Ma voix qu'avec respect tout l'Europe admire,
Ma voix, qui tant de fois a soulevé le pire,
Tant de fois réfléchi le drame de son choix,
Trahit donc ma carence, et ne fait rien par loi ?
Cruel souvenir de ma victoire passée !
Oeuvre de tant de jours en un discours lassée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Supplice prolongé où s'arrête tout honneur !
Faut-il d'un peu d'éclat voir triompher la droite,
Et mourir sans décision, ou vivre dans un cloitre ?
Peuple, sois de mon fauteuil à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point une action sans donneur ;
Et ton jaloux orgueil à négliger la consigne
Fait que tu n'approuves que si tu contresignes.
Et toi, portée par mes visions de réformes,
Minée par un corps figé dans son uniforme,
Gauche, jadis tant à rêver, qui, pour cette échéance,
M'as servi de parade et subis ma déchéance,
Va, quitte le lucre des intérêts humains,
Vote, pour me sauver, vote pour mon camp demain.