Le monologue du licencié non économique

Ô rage ! ô désespoir ! ô viellesse ennemie !

N’ai-je donc travaillé que pour cette infamie ?

Et ne suis-je blanchi dans les tâches impures

Que pour voir en un jour faner tout mon futur ?

Mon bras qui avec respect se charge de famille,

Mon bras, qui tant de fois, a soulevé bastille,

Tant de fois enrichi le port de son patron,

est trahi par un capital, des fonds sans nom ?

Ô cruel souvenir de mon entrée saluée !

Carrière de tant de jours en un jour conspuée !

Nouvel acquéreur fatal à mon bonheur !

Parachute doré d’où tombe mon honneur !

Faut-il de votre éclat voir triompher le compte,

Et mourir sans révolte, ou vivre dans la honte ?

Poings, soyez de ma fureur, à présent gouverneur,

N’admettez point que je sois un homme sans honneur ;

Que votre orgueil jalouse cet affront insigne

Qui fait du choix du roi, un gars-une fille indigne.

Et toi, parolier de mes revendications,

toi qui hais le patronat pour mes cotisations,

Syndicat, jadis tant aimer, et qui, dans cette offense,

M’as servi de parade, et non pas de défense,

Va, quitte désormais la chaleur de la rue,

Viens mettre les bœufs dessous la charrue