Juste avant, j'étais vivant
Heureux le pauvre en terre, égrène la rancœur.
Les secondes passent, les premières suivent.
La rébellion lointaine alourdie par la peur
De manquer l’incertain des clinquants détectives.
Où regarder le temps si ce n’est sur mes mains
Qui raillent les retards de la locomotive
Dont le dépôt accueille anonymes et humains,
Chapelet de désirs à l’adresse captive.
Lorsque la vie s’étiole , abreuvée de brouillons,
Le tic tac s’extasie, alarmante dérive,
Carillonnant en rond, ronronnant nos haillons,
Suspect de trahison reconnue suspensive.
Malgré la li des talents, l’imposture du cœur,
Malgré les coups du sort que la raison motive,
Les enfants fantasmés, les souvenirs tronqueurs,
Le monde se tourne en cyclique lessive.
Toujours je sens en moi l’ennui qui ne finit,
Qui hante mes exploits, ternit mes offensives,
Souffle mon avenir, aspire un appétit
Qui n’a pour fondement que ma foi dépressive.
Mes souhaits les plus forts : de cesser d’être moi,
D’être sûr de ma mort pour vivre mes archives,
Fantôme bienveillant, parent gardien des choix.
En lâche j’ai vécu en héros qu’on décrive.
Insatisfait chronique incapable d’aimer,
Sans craindre la sentence, assommant de salive
L’abîme du néant, l’accident consommé,
La faim de voir grandir semence positive.
Je ris de ma noirceur, je m’habille en couleur,
J’arbore un ventre plein aux vertus sédatives,
Je m’insurge, je mens, je défends ma douleur,
Je veux mieux et moins mal sans envier l’autre rive.
Que d’autres armés de haine affranchissement de quai,
Accordant salut, son, succès, aux impulsives
Ondes aux reflux caustiques, aux hiatus hoquets,
Enivrant les mortels et les absents convives.
Que d’autres ayant signé pour un verdict prochain
Tentent de repousser par mèche répulsive,
Rayons, nausées, cachets, charlatans, espoir vain,
Occupés à guérir la péremption votive.
Que d’autres aseptisés par les communs émois
Atteignent en devançant l’ultime perspective,
Pour ne plus y penser et soupeser sa croix,
soldant pour l’au-delà la fin des récidives.
Obnubilé par ce manque d’air, cet appel
Au secours resté muet, la rétrospective
D’une lumière qui expire, ce noir cruel
Qui vomit l’existence, la rend révulsive.
Je cherche le sens de ce souffle furtif :
Comment passe t’on de vie à trépas ?
Je me dis que ceux qui sont morts
Eux au moins n’ont plus à l’attendre,
Ce tout petit point de suspension
Qui rend la vie quantitativement tenace
Mais qualitativement inefficace.