Le poisson volant
Acculé dans un coin, ses écailles sont dressées.
Transpirant (autant qu’il puisse transpirer)
La peur et la curiosité (du moins de mon côté),
Il essaye de se dérober à mes mains aiguisées.
Il peut bien se débattre ou tenter de m’amadouer,
Se défendre chèrement contre mon anticipation,
Sa taille prémonitoire comble l’assiette de l’adorée
Qui saura me rendre cette abondance à foison.
Il s’enfonce, faisant bouillir mon impatience.
Ce trophée qui grossit d’heure en heure ne pourra m’humilier.
Je brandis mon épée, l’étendard de ma constance
Et découpe le pachyderme, jetant au vent la pitié.
Il gît entre mes doigts étonnés du sang versé.
Un dernier soubresaut, il cesse de me regarder.
Il est tellement petit, trop pour espérer un baiser.
Elle me juge barbare et me demande de la débarrasser.
Je m’en vais l’enterre, le cœur et la tête délivrés,
Promettant de lui dédier le prochain ver, plus léger :
Brochet, carpe, truite, poisson à la vie abrégée,
Je te jure que, pour moi, la ligne est terminée.