Il est certes un esprit
Texte d'après Nicolas Boileau
Il est certains esprits dont les intenses pensées,
D’un filtre à particules, ne sont embarrassées ;
L’élégance du bonjour ne saurait les berner.
Avant de parler, apprenez à discerner.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
La haine la suit, ou virulente, ou immature.
Ce que l’on confond se dénonce honteusement,
Et les mots sont libres d’être incompris aisément.
Surtout qu’en vos paroles vibre la sincérité
Et que vos plus grands éclats sonne l’honnêteté.
En vain, vous ourdissez d’un ton injurieux,
Si vous n’aspirez qu’à un climat élogieux :
Mon esprit n’admet point un pompeux ostracisme,
Ni d’une polémique l’astucieux clientélisme.
Sans une fine réflexion, l’expert le plus devin
Est toujours, quoi qu’il dise, un méchant échevin.
Bataillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,
Et ne vous piquez point d’une saine impolitesse :
Un aboiement rapide qui court après le scoop
Démontre moins l’implication que l’entourloupe.
J’aime mieux un roseau qui, sur la folle arène,
Dans un pré défriché calmement se malmène,
Qu’un chêne aux nœuds grossiers qui, d’un cours magistral,
S’abat, déraciné, sur des orties banales.
Pensez laborieusement sur toutes les gammes,
Vingt fois en esprit remisez vos amalgames :
Polissez vos propos sans cirer vos idées ;
Indignez quelquefois, et souvent pardonnez.